Le Premier ministre,
Sur le rapport du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et de la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement,
Vu le code de l'environnement ;
Vu la loi no 61-842 du 2 août 1961 modifiée relative à la lutte contre les pollutions atmosphériques et les odeurs ;
Vu le décret no 63-1228 du 11 décembre 1963 modifié relatif aux installations nucléaires, notamment son article 6 ;
Vu le décret no 66-450 du 20 juin 1966 modifié relatif aux principes généraux de protection contre les rayonnements ionisants ;
Vu le décret no 75-306 du 28 avril 1975 modifié relatif à la protection des travailleurs contre les dangers des rayonnements ionisants dans les installations nucléaires de base ;
Vu le décret du 29 décembre 1980 autorisant la création par le groupement d'intérêt économique GANIL d'un accélérateur de particules dans le département du Calvados ;
Vu l'arrêté du 10 août 1984 du ministre du redéploiement industriel et du commerce extérieur relatif à la qualité de la conception, de la construction et de l'exploitation des installations nucléaires de base ;
Vu l'arrêté du 31 décembre 1999 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et de la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement fixant la réglementation technique générale destinée à prévenir et limiter les nuisances et les risques externes résultant de l'exploitation des installations nucléaires de base ;
Vu la demande présentée le 6 février 1998 par le directeur du GANIL et le dossier joint à cette demande, révisé à la date du 2 décembre 1999 ;
Vu les résultats de l'enquête publique effectuée du 13 mars au 15 avril 2000 ;
Vu l'avis émis par la section permanente de la commission interministérielle des installations nucléaires de base lors de sa séance du 19 janvier 2001 ;
Vu l'avis conforme de la ministre de l'emploi et de la solidarité en date du 1er mars 2001,
Décrète :
Art. 1er. - Le GIE GANIL (grand accélérateur national d'ions lourds) est autorisé à modifier l'accélérateur de particules qu'il exploite à Epron, commune limitrophe de Caen, dans le département du Calvados, selon les modalités présentées dans la demande du 6 février 1998 susvisée et dans le dossier joint à l'appui de cette demande, révisé à la date du 2 décembre 1999, en tant qu'elles ne sont pas contraires aux dispositions du présent décret.
Art. 2. - Dans le cadre de cette modification, l'exploitant est autorisé à créer une extension dénommée SPIRAL (système de production d'ions radioactifs accélérés en ligne), à l'intérieur du périmètre fixé selon le plan annexé au présent décret (1).
L'extension SPIRAL comprend les équipements nouveaux suivants :
- une casemate contenant un ensemble cible-source ;
- un accélérateur de particules (CIME) ;
- des lignes de transfert de faisceau ;
- une salle destinée à l'entreposage, au démantèlement et aux tests des ensembles cibles-sources neufs ou irradiés ;
- un système particulier de manutention des ensembles cibles-sources.
L'énergie du faisceau primaire venant frapper l'ensemble cible-source reste dans les limites autorisées par le décret du 29 décembre 1980 susvisé. L'énergie du faisceau d'ions extrait de l'ensemble cible-source de SPIRAL, après accélération par le cyclotron CIME, est limitée à 25 MeV/nucléon et à une intensité de 5.1011 particules/seconde.
Art. 3. - Le GIE GANIL, en sa qualité d'exploitant de l'installation, se conforme à l'ensemble des obligations définies par le décret du 11 décembre 1963 susvisé et des prescriptions techniques particulières du présent décret et du décret du 29 décembre 1980 susvisé, appliqués à l'ensemble de l'installation modifiée, sans préjudice du respect des autres dispositions réglementaires en vigueur, notamment en matière :
- d'application du droit du travail ;
- de protection et de contrôle des matières nucléaires ;
- de protection de l'environnement ;
- de gestion des déchets ;
- de régime de l'eau ;
- de prévention des risques technologiques ;
- d'appareils à pression ;
- de radioprotection ;
- de gestion des sources radioactives.
Art. 4. - Sauf indication contraire, les prescriptions techniques énoncées dans le décret du 29 décembre 1980 susvisé ainsi que les prescriptions techniques énumérées ci-après sont applicables à l'ensemble de l'installation modifiée.
4.1. Protection contre le risque de dissémination des substances présentant une toxicité de nature radiologique, chimique ou biologique.
L'installation modifiée est conçue, réalisée et exploitée de telle sorte que soit respecté l'ensemble des règles applicables en matière de protection contre le risque de dissémination de substances présentant une toxicité de nature radiologique, chimique ou biologique. Le confinement de ces substances tient compte de leurs formes physico-chimiques.
Le risque de dissémination atmosphérique est prévenu par un confinement statique des matières radioactives autour de l'ensemble cible-source de SPIRAL et des stoppeurs équipant les dispositifs SiSSi et SIRa.
Pour l'ensemble cible-source de SPIRAL, un confinement dynamique permet de collecter les gaz radioactifs produits par l'action du faisceau sur la cible.
L'exploitant prend les dispositions appropriées pour prévenir tout risque de dissémination atmosphérique durant le remplacement des cibles. Il rend notamment obligatoires les contrôles radiologiques à l'ouverture des chambres d'expériences et lors de l'évacuation d'équipements des zones contrôlées.
L'air extrait des parties ventilées de l'installation est filtré.
L'exploitant prend les dispositions appropriées afin de gérer correctement tous les matériels, échantillons, cibles, sources d'étalonnage, matières ayant séjourné en zone contaminante ou ayant été irradiées directement ou indirectement par le faisceau. Il garantit la traçabilité (nature, quantité, caractéristiques radiologiques) de ces matières activées ou contaminées tout au long de leur présence dans l'installation. Lorsque le GIE GANIL en est le propriétaire, il en garantit la traçabilité jusqu'à élimination définitive. Lorsqu'elles sont la propriété d'utilisateurs extérieurs de l'installation et que le GIE GANIL n'en a plus l'usage, elles sont restituées à ces utilisateurs, sous réserve qu'ils soient dûment autorisés à les détenir. L'exploitant leur apporte son aide pour déterminer leurs conditions de transport à la sortie du GANIL.
4.2. Gestion des déchets.
L'exploitant assume la responsabilité de la gestion de l'ensemble des déchets radioactifs et non radioactifs produits pendant la phase d'exploitation. Il s'efforce de réduire le volume, de limiter les quantités et l'activité des déchets de procédés produits dans son installation. L'exploitant prend toutes dispositions appropriées pour réduire au minimum la quantité de déchets qui séjourne transitoirement dans l'installation en attente d'évacuation. Aucun stockage définitif de substances radioactives n'a lieu à l'intérieur du périmètre délimité par le plan annexé au présent décret. Par ailleurs, aucun entreposage d'une durée de plus de deux ans de matériels sans emploi ou de déchets solides de procédés, disposés en colis finis ou non, n'a lieu à l'intérieur de ce périmètre sans l'autorisation du directeur de la sûreté des installations nucléaires.
Afin de faciliter leur traitement ultérieur dans des centres autorisés, les déchets résultant de l'exploitation de l'installation sont triés par nature et par catégorie de nuisance chimique ou radioactive. L'exploitant assure, notamment par archivage, le suivi des déchets (localisation, quantité, nature) jusqu'à leur élimination définitive dans des installations autorisées.
L'exploitant assure l'élimination périodique des liquides activés ou susceptibles de l'être par des installations dûment autorisées.
L'exploitant apporte son aide aux utilisateurs extérieurs de l'installation dans la recherche de filières d'élimination pour les matières contaminées ou irradiées dans l'installation dont ils sont propriétaires et qu'ils destinent à l'abandon.
Les gaz radioactifs collectés sont entreposés sous surveillance dans l'installation jusqu'à la mise en place d'une filière d'élimination.
4.3. Protection contre les séismes.
L'extension est conçue et réalisée pour que les fonctions importantes pour la sûreté restent assurées en cas de séisme d'intensité VI sur l'échelle MSK.
4.4. Protection contre les autres agressions de l'environnement.
Des dispositions sont prises en vue d'assurer un confinement suffisant des substances radioactives, compte tenu de toutes les circonstances plausibles pouvant résulter du fonctionnement normal ou accidentel des installations voisines ou des transports effectués au voisinage de l'installation, notamment des effets dynamiques et des projectiles susceptibles d'atteindre cette dernière.
Des dispositions sont également prises pour maintenir l'installation dans un état sûr en cas d'inondation, de hautes ou de basses températures, de vents forts, de foudre ou de chutes de neige importantes.
4.5. Formation du personnel.
Sans préjudice des dispositions de l'article 11 du décret du 28 avril 1975 susvisé, le personnel qui est employé dans l'installation, tant pour les travaux de modification que pour sa surveillance et son exploitation, possède les aptitudes professionnelles normalement requises et a reçu, avant tout travail effectif dans cette installation, une formation particulière en matière de sûreté nucléaire et de protection contre les risques électriques, contre les risques liés aux produits manipulés et entreposés, comportant une information sur les risques induits par une diffusion non contrôlée d'un faisceau.
L'article 3.8 du décret du 29 décembre 1980 susvisé est abrogé.
4.6. Manutention.
Sans préjudice de la réglementation relative au contrôle des appareils de manutention, des dispositions sont prévues en matière de conception et de règles d'exploitation afin de prévenir le risque de chute de charge, notamment des ensembles cibles-sources, et d'en minimiser les conséquences compte tenu de toutes les circonstances plausibles pouvant résulter du fonctionnement normal ou accidentel de l'installation.
Art. 5. - L'exploitant se conforme aux dispositions suivantes :
5.1. Le bâtiment constituant l'extension de l'installation autorisée par le présent décret est construit et exploité de telle façon que son utilisation ne puisse être à l'origine de bruits ou vibrations pouvant constituer une gêne pour la tranquillité du voisinage.
L'exploitant veille à la qualité architecturale de l'installation et à sa bonne insertion dans le paysage.
5.2. Il est procédé à la surveillance de la dose annuelle en limite de site due aux rayonnements ionisants. Les résultats de cette surveillance sont communiqués au directeur général de la santé et au directeur de la sûreté des installations nucléaires.
L'article 4.3 du décret du 29 décembre 1980 susvisé est abrogé.
Art. 6. - La mise en oeuvre du premier faisceau de particules dans l'extension est soumise à l'approbation des ministres chargés de l'environnement et de l'industrie.
A cet effet, au moins six mois avant la date prévue de mise en oeuvre du faisceau, l'exploitant transmettra un rapport provisoire de sûreté et une mise à jour des règles générales d'exploitation de l'ensemble de l'installation modifiée ainsi qu'une mise à jour du plan d'urgence interne en précisant les moyens à mettre en oeuvre sur le site en cas de situation accidentelle. Ce rapport provisoire de sûreté devra tenir compte des interfaces entre l'installation autorisée par le décret du 29 décembre 1980 susvisé et l'extension autorisée par le présent décret.
Ces documents devront comporter les éléments permettant de s'assurer notamment que les prescriptions du présent décret, en particulier celles contenues dans son article 4, ont été ou seront respectées et que l'ensemble de l'installation pourra être exploitée dans des conditions de sûreté satisfaisantes.
Art. 7. - Dans un délai qui sera fixé dans l'approbation prévue à l'article 6 du présent décret, l'exploitant présentera au directeur de la sûreté des installations nucléaires un rapport définitif de sûreté relatif à l'ensemble de l'installation modifiée ainsi qu'une mise à jour des règles générales d'exploitation et du plan d'urgence interne.
Art. 8. - Lorsqu'elles n'exigent pas l'intervention d'un décret pris en application de l'article 6 du décret du 11 décembre 1963 susvisé, les modifications de l'installation ayant une incidence notable sur le rapport de sûreté, les règles générales d'exploitation ou le plan d'urgence interne ne pourront être réalisées ou rendues effectives qu'après approbation des ministres chargés de l'environnement et de l'industrie.
L'exploitant avisera les ministres chargés de l'environnement et de l'industrie de tout projet de création ou de toutes modifications substantielles d'une installation entrant dans le champ d'application du titre Ier du livre V du code de l'environnement et implantée dans le périmètre fixé par le plan annexé au présent décret. A cet effet, l'exploitant adressera un dossier au directeur de la sûreté des installations nucléaires.
Art. 9. - Dans un délai de neuf mois au moins avant la mise à l'arrêt définitif et le démantèlement de son installation, l'exploitant s'attachera, dans les documents de sûreté prévus à l'article 6 ter du décret du 11 décembre 1963 susvisé, à justifier les différentes étapes qu'il envisage pour permettre de la rayer de la liste des installations nucléaires de base ; il présentera les options de sûreté associées à ces différentes étapes. L'exploitant produira également dans les mêmes délais les documents spécifiques nécessaires à la mise à jour, voire au remplacement de l'étude déchets prévue par l'arrêté du 31 décembre 1999 susvisé.
Art. 10. - Sans préjudice de l'application des règlements en vigueur, tout accident ou incident, radiologique ou non, ayant eu ou risquant d'avoir des conséquences notables pour la sûreté de l'installation autorisée par le présent décret, sera déclaré sans délai par l'exploitant aux ministres chargés de l'environnement, de l'industrie et de la santé ainsi qu'au préfet du département du Calvados.
Art. 11. - Le délai prévu au III de l'article 4 du décret du 11 décembre 1963 susvisé est de cinq ans à compter de la publication du présent décret au Journal officiel de la République française.
Art. 12. - Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement et le secrétaire d'Etat à l'industrie sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.
Fait à Paris, le 6 juin 2001.
(1) Le plan annexé au présent décret peut être consulté :
- à la direction de la sûreté des installations nucléaires, 99, rue de Grenelle, 75353 Paris 07 SP ;
- à la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement de la région Basse-Normandie, CITIS « Le Pentacle », avenue de Tsukuba, 14209 Hérouville-Saint-Clair Cedex ;
- à la préfecture du Calvados, rue Saint-Laurent, 14038 Caen Cedex.